Harley J. Meyer | Rat | Affranchie

« Beurk c'est dégueulasse ! »

Je ne tourne même pas la tête, j'ai l'habitude de ce genre de réaction. Même si ce n'est pas moi la principale concernée, mais plutôt Splinter, le rat niché sur mon épaule. Lui non plus ne relève pas l'insulte. Lui comme moi nous n'aimons guère ce genre de personnage de toute manière.
La rue est bondée de monde, c'est l'heure de pointe à Glasgow. Qu'est-ce qui lui prend à ce type, qui est peut-être une nana d'ailleurs, de me donner rendez vous à une heure pareille en plein centre ville ? Déjà, côtoyer la foule comme ça, c'est pas mon truc, mais allez prendre un verre dans un salon de thé, encore moins ! Pourquoi pas un pub ? Avec une bonne mousse dans la main, on peut discuter, mais un thé? Je viens de Londres pour boire un thé, qui l'aurait cru ?

« Oui je sais, toi ça te plaît ! C'est ton style ça, ambiance guindé, on échange nos point de vue, monsieur aime se la jouer aristo ! Hé bah moi ça m'emmerde voilà ! En plus, mon seul jour de repos de la semaine ! »

J'aime me plaindre, ça entretient je trouve.
Nous arrivons rapidement au salon de thé. Autant dire que je fais fureur avec Splinter sur l'épaule !
Je m'installe dehors histoire de m'enfiler un paquet de clope avec mon café du Nicaragua qui m'a coûté une couille et demi. Et j'attends. J'attends longtemps. Je déteste attendre ! Ce n'est que 20min plus tard que mon rencard se pointe ! Une nana. plutôt bien foutue, très bien même. Bien qu'elle se la jouait pas mal. Il lui manquait juste un fume-cigarette pour coller à sa panoplie de bourgeoise. Néanmoins, elle avait de la prestance et une assurance certaine.  

« Vous m’en voyez navrée. J’ai été retenue. Bonsoir, Harley c’est bien ça ? »
« Ouais, ouais, quand on fixe un rendez-vous dans un lieu comme ça, au moins, arrive à l'heure ! »
« Si j’ai ouïe dire de votre tempérament… La description qu’on m’en fait n’est rien comparée à ce que je peux constater par moi-même. »
« Écoutez, ne tournons pas autours du pot plus longtemps. Je sais bien que si je suis à Glasgow ce n'est pas par hasard. Après tout, la personne qui a déposé l'invitation dans ma boîte aux lettres, aurait pût aussi se présenter en personne, mais vous préférez contrôler le terrain visiblement. Qu'est-ce que me veux la Confrérie ? »
« Même si l’idée de jouer aux guides touristiques peut sembler alléchante, s’il s’agit de sortir une londonienne de son trou à rat… Sans mauvais jeu de mots, il est évident que je ne vous ai pas fais venir pour visiter les quartiers. Mais parce qu’au vu de vos précédents avec l’Alliance… Il semblerait que nous puissions trouver un terrain d’entente. »
« Vous savez déjà que mes relations avec l'Alliance ne sont pas des plus cordiales, vous savez certainement qu'une de mes capacités m'est indisponible, mais est-ce que vous savez que j'ai de la famille dans l'Alliance ? »
«  Et vous ne serez pas la première. Si vous avez bien travaillé vos cours à l’Académie, vous n’êtes pas sans savoir que le lion a pour frère l’araignée, à l’instar des générations passées. Ce n’est pas l’argument le plus convaincant pour refuser ma proposition. Nous savons d’ailleurs toutes deux que vous y trouverez votre compte. »
« La bonne blague. Remplacez une autorité suprême par une autre ? Laissez tomber ! Pendant presque 10 ans, je me suis plié à leur règles pour remplir mon rôle d’Élu auprès de l'Alliance, mais au final c'est de la merde. J'ai dû traquer des compères à travers le monde car ils ont enfreint des règles qu'ils n'ont jamais approuvés et quand j'en ai eu assez, je me suis présenté au conseil pour leur montrer l'absurdité de leur système. Ça m'a coûté un an de taule pour « outrage ». Ça va faire un an que je suis dehors et vous vous pointez en me disant « on a des buts communs, soyons amis » mais je sais ce qu'est la Confrérie, une bande de gars orgueilleux et fier, vexé d'être mis de côté. Peut-être qu'en effet, vous souhaitez rétablir l'équilibre, mais commencez donc par sortir de l'ombre, parce que pour le moment, vous faites plus terroriste que sauveur ! »
« Ne confondez pas audace avec impertinence, Harley. Mais si la réponse semble déjà toute évaluée, pourquoi se présenter à ce rendez-vous, dont les intentions seraient évidentes pour un enfant de 4 ans ? »
« Pour savoir qui était la personne que je devais tuer si je la voyais me tourner autour. »
« Rebelle, fougueuse et maintenant... Menaçante. Voilà un profil qui ne manque pas de piquant, je dois le reconnaître. »
« Et t'as encore rien vu. »

J'écrase ma cigarette au fond de ma tasse à café et je me casse, Splinter sur mon épaule tire la langue à notre interlocuteur. Je ne sais pas qui il est, mais je ne tarderai pas à le découvrir. C'était tout l'intérêt de ma visite en fait. Dès que mon interlocutrice est arrivée, je lui ai collée mes mouchards au train. Des rats en fait. Ils la suivront jusqu'à chez elle dans le meilleur des cas, sinon, ils perdront sa trace, mais la moindre information me sera très utile.

J'ai passé quatre ans de ma vie à traquer des gens pour le compte de l'Alliance. Il y avait les conspirateurs bien-sûr, mais surtout des problèmes d'usages de pouvoir, pas forcément bien grave, mais il fallait tout de même subir le courroux du conseil. L'autorité auto-proclamé ! Et ce qui me choquait le plus, c'est que parfois, les Elus n'avaient même pas conscience de ces règles, surtout les plus jeunes, avec qui la communication avec l'anima était parfois difficile.
Avec ma capacité, retrouver un individu était chose aisée. Les rats sont omniprésent, peut importe la surface du globe.  Avant cela, j'étais étudiante à l'Académie des Lions, j'ai donné presque 10 ans de ma vie à l'Alliance, donc quand je dis que c'est des trou du cul, je sais de quoi je parle. Cinq années à étudier, cela ne m'a pas déplût, je dois être honnête, mais j'étais jeune à l'époque, j'arrivais de Londres où c'était assez chaotique pour moi et même si les débuts n'ont pas été facile, je me suis bien adapté et canalisé. Mon adolescence a été un véritable bordel. Échec scolaire, rébellion, alcool, sexe, drogue, j'ai été assez précoce sur tout ça. Pourtant mes parents ont toujours bien cadrés les choses, mais j'aimais m'attirer des ennuis et fréquenter ceux qui emmerdaient  le monde !
C'est l'arrivée de Splinter qui a pas mal calmé les choses ! Enfin, une arrivée... Une part de moi savait qu'il était là depuis longtemps et le jour où il est venu pour la première fois – se caler dans mon lit pendant que je dormais, au calme – je l'ai accueillit comme un vieux pote en fait ! Pas vraiment surprise, surtout soulagé ! Cela faisait des années que je rêvais de lui, enfin, de rats en général, c'est un animal que j'ai toujours apprécié et sans mes parents, j'en aurais eu comme animal de compagnie depuis toute petite ! Splinter est un anima assez expressif contrairement à beaucoup  d'autre, il a une sagesse certaine, mais surtout, il est très joueur, il n'a de cesse de profiter de l'aversion des humains à son égard pour créer des situations malaisante ou de panique et j'adore ça ! C'est un anima, un guide spirituel mais aussi mon meilleur ami et mon seul ami, pour dire la vérité et cela me convient parfaitement !

« Quoi ? Comment ça, ça fait pathétique comme tirade ? C'est la... Ah ouais ? Carrément ! Genre je suis insupportable ? Tsss ... »

Bon, il a pas complètement tort. Depuis que Splinter a débarqué, j'avais quoi... 14/15 ans... Je me suis calmé mais j'ai ouvert les yeux aussi et depuis, le commun des mortels me semble bien fade et ennuyant, avec leur petits problèmes perso. Comment, en étant l’Élu d'un anima, avec tout ce que cela implique, vous pouvez prêter de l'importance aux histoires de vos amies ? Combien d'histoire de mec, j'ai dû supporter, à m'en faire saigner les lèvres tellement ça me déprimait. Non, vous pouvez pas prêter de l'importance aux gens quand vous êtes un Elu, ça revient à régresser spirituellement. À l'Académie, je me suis mieux entendu, mais là encore, j'avais des soucis, parce que si l'humain, bipède, standard est inintéressant, les Élus se prennent pas pour de la merde non plus. Pas tous, heureusement, mais pas mal quand même. Bref, quoi qu'il en soit, devenir Élu m'a ouvert les yeux et ça complique vachement mon relationnel avec les gens. Je sais bien que je passe pour une connasse à cause de ça, mais ça me va. Je sais faire semblant quand il le faut. Par exemple, en ce moment je bosse comme serveuse à Londres. Je sais, c'est pas très reluisant comme taf après quatre ans à avoir parcourut le globe à la recherche des rebelles de l'Alliance, mais après un an dans leur prison, j'avais besoin de reprendre une vie simple. Retourner à mes racines. Londres, tout ça. Oui, je suis londonienne, quartier de West Ham ! Club de foot, bagarre, pinte de bières... J'ai adoré mon enfance là-bas ! Mes parents sont londoniens aussi, enfin, ma mère est écossaise mais à toujours vécu à Londres. Je n'ai pas grand chose à dire sur eux, ils n'ont jamais quitté Londres, ils ont une vie banal et triste au possible, avant je les voyait comme des emmerdeurs et depuis que je suis Élu, je les vois comme des gens tristes, avec une vie insipide. Je sais, c'est mes parents et ça peut paraître dur, mais on va pas se mentir. Je n'ai jamais été très famille en fait. La seule personne de la famille avec qui j'ai partagé beaucoup de chose, c'est ma grand-mère, l'écossaise, d'Edimbourgh. Et oui, ma grand-mère est aussi une Élu, membre de l'Alliance et ceux depuis plusieurs décennies maintenant.
Elle savait que j'avais un potentiel depuis des années et après des années à rêver de rat, le jour ou il y en a un qui a débarqué, elle a vite fait le rapprochement. C'est elle qui m'a fait intégrer l'Académie à 18 ans, qui m'a fait rejoindre l'Alliance et tout ça, qu'est-ce que j'étais maniable à l'époque !

Autant vous dire que depuis ma « rébellion », mes rapports avec la vieille sont devenus conflictuelles ! En fait, je ne l'ai vu qu'une fois en deux ans, lors de ma sortie de prison. Et pour me faire sermonner en plus, comme quoi je n'étais pas digne de l'Alliance, tout ça, blablabla... Tu parles d'une famille toi ! Qu'elle aille se faire frire le cul ! Un an dans leur prison m'a bien ouvert les yeux sur leur préceptes pourris et je nourris pas mal de ressentiment à leur égards. Et je dois dire que la visite de la Confrérie me fait assez plaisir en réalité, mais je me suis fais prendre pour une conne une fois, pas deux.
Je ne sais pas si je dois prendre partie ou pas. Devenir ennemi de l'Alliance, ça se réfléchit quand même et comme je l'ai dis à l'autre tâche un peu plus tôt, leur ambitions me semble pas forcément très noble. D'un autre côté, l'Alliance m'a baladé pendant des années, j'ai fais un an de prison juste pour avoir ouvert ma gueule et ils me condamnent une de mes capacités.
Puis aussi, j'ai traquée des gens pendant quatre ans, c'était excitant même si c'était salaud, un rythme de vie que j'aimais bien... ça me déplairait pas de me remettre dans le bain et me servir de ceux qu'ils m'ont apprit contre eux. Parce que porter des assiettes à des péquenauds toute la journée qui vous mate le cul et ne vous lâche même pas un tips, ça me fait chier, faut l'avouer !

« Ouais, ça se réfléchit quoi ! Un raisin Splinter ? Ah et qui se pointe? Les mouchards! Tenez du raisin pour vous aussi! »

Splinter me traduit le rapport des rats - oui, je ne le parle pas moi-même - et cela m'arracha un sourire. La piste ne serait pas difficile à remonter. Je dois avouer que c'est excitant d'avoir une cible à traquer.